dimanche 19 janvier 2014

3° RÉFÉRENCES: FOCUS SUR HENRIQUE OLIVEIRA


HENRIQUE OLIVEIRA


A Sao Paulo, l'oeuvre du peintre et sculpteur Henrique Oliveira s'inspire de la vie urbaine et de la nature. Etudiant, il s'est intéressé aux possibilités qu'offrait un type de contreplaqué prédominant dans la ville, en apparence ordinaire.

Boxoplasmose, 2011

(Boxoplasmose: néologisme inventé par l'artiste, sans doute une contraction du mot anglais Box (boite) et de la maladie toxoplasmose)

Appelé tapumes, "matériaux pour clôtures" ou "planches" en portugais, ce bois laminé bon marché sert principalement à la fabrication de panneaux temporaires sur des sites de construction.
Oliveira s'est passionné pour la façon dont ils se lézardaient, se recourbaient et s'écaillaient à force d'être exposés aux intempéries pour révéler des couches de bois décoloré de différentes teintes.


Baitogo, Palais de Tokyo, Paris, 2013 (crédit photo: André Maurin)


Baitogo, Palais de Tokyo, Paris, 2013 (crédit photo: André Maurin)


Cette oeuvre, Baitogo, est actuellement visible au Palais de Tokyo à Paris jusqu'en octobre 2014:

Voici un extrait du texte visible sur le site du Palais de Tokyo:

"Sous la forme d’une sculpture spectaculaire, envahissante et «gordienne» (néologisme employé par références au "noeud gordien" qui désigne, par métaphore un problème inextricable), Henrique Oliveira joue avec l’architecture du Palais de Tokyo pour en faire surgir une oeuvre qui joue avec le végétal et l’organique (organique: qui est relatif aux organes du corps)
Le bâtiment lui-même semble être la matrice (Matrice: milieu ou quelque chose prend racine, se développe) qui a donné naissance à ce volume en bois de «tapumes», matériau utilisé en particulier dans les villes au Brésil pour construire les palissades de chantier.
(...) Il rend visible le côté parasitaire de ces constructions; rappelant des tumeurs en bois, ses installations fonctionnent comme la métaphore des favelas (Favelas: bidon-villes) qui poussent de façon organique et anarchique.

Au Palais de Tokyo, il joue ainsi avec l'espace existant en prolongeant et démultipliant les piliers pour leur greffer une dimension végétale et organique, comme si le bâtiment prenait vie. 
L’artiste s’inspire entre autres d’ouvrages médicaux, plus particulièrement les études effectuées sur les pathologies physiques telles que les tumeurs. Par analogie formelle, ces excroissances ne sont pas sans rappeler les rhytidomes (Rhytidomes: ensemble des tissus inertes et crevassés de la partie supérieure de l'écorse) communs à l’écorce des arbres. La texture de cette installation en bois de «tapumes» renvoie inévitablement à certaines essences d’arbres des forêts tropicales humides d’Amazonie : les entrelacs et autres noeuds constituent des réseaux hors de contrôle, répondant à une logique que l’homme ne pourrait plus maîtriser".

Sources de ce texte:

http://www.palaisdetokyo.com/fr/exposition/exposition-monographique/Henrique-Oliveira)




Alley Abscess (allée de l'abcès), 2011, Favela de Maré, Rio de Janero, Brésil


Architectonic intumescence, Sao Paulo, Brézil, 2008

(Intumescence: gonflement, augmentation de volume/ Medical: augmentation de volume d'un tissu, d'un organe. Ce terme est aussi utilisé en géologie et en mécanique des fluides.)

Desnatureza, 2011, Galerie Vallois, Paris


Tapumes, Casa dos Leoes, Porto Alegre, Brésil, 2009


Tapumes- Casa dos Leoes, Porto Alegre, Brésil, 2009 (détail)


Cette oeuvre Tapunes- Casa dos Leoes, donne l'impression d'avoir poussé là. L'état de pourriture du bois produit le même aspect que les murs délabrés du bâtiment. Comme le constate l'artiste "Le bois autrefois traité et industrialisé retourne à la nature, à une forme transmuée de celle-ci. Dans un contexte urbain, son apparence a quelque chose de surréaliste".  

Sources: 
. Matériaux + Art = Oeuvre, de Tristan Manco (Livre consultable au CDI du collège)
. http://www.palaisdetokyo.com


samedi 18 janvier 2014

MOUVEMENT: LE POP ART



LE POP ART

QU’EST-CE QUE LE POP ART ?
Si le terme Pop Art est aujourd'hui largement diffusé, en revanche le champ artistique qu'il désigne ainsi que la problématique qu'il soulève restent souvent méconnus.

 
Le Pop Art anglais désigne un groupe d’artistes qui se manifeste à partir de la moitié des années 50. Son identité se construit autour du cercle intellectuel l’Independent Group. Constitué des peintres Eduardo Paolozzi et Richard Hamilton, du couple d’architectes Alison et Peter Smithson, du critique d’art Lawrence Alloway, l’Independent Group a essentiellement centré sa recherche théorique sur la technologie, d’où la référence récurrente du Pop Art anglais à la science-fiction.

 
Richard Hamilton, Just what is it it makes today's homes so different, so appealing?, 1956

Sans communication explicite avec le Pop Art anglais, le Pop Art américain désigne une tendance née d’initiatives individuelles. S’il n’est pas un mouvement structuré au sens d’un groupe qui organise des manifestations collectives, il a néanmoins une cohérence. Globalement issu du travail de Robert Rauschenberg et surtout de Jasper Johns, il se caractérise par un intérêt pour les objets ordinaires, l'ironie, ainsi que par la confiance en la puissance des images. 
Le foyer du Pop Art américain est localisé à New York, où exposent tout d’abord des artistes comme Claes Oldenburg et Jim Dine, Roy Lichtenstein, Andy Warhol, puis James Rosenquist, George Segal, et Tom Wesselman.

Au-delà de leur divergence généalogique, Pop Art anglais et Pop Art américain se retrouvent sur le terrain d’un postulat commun exprimé par le terme même de Pop Art
Inventé par Lawrence Alloway à la fin des années cinquante, ce terme indique que l’art prend appui sur la culture populaire de son temps, lui empruntant sa foi dans le pouvoir des images. Mais, si le Pop Art cite une culture propre à la société de consommation, c’est sur le mode de l’ironie, comme le donne à entendre la définition du peintre anglais Hamilton de sa production artistique : «Populaire, éphémère, jetable, bon marché, produit en masse, spirituel, sexy, plein d’astuces, fascinant et qui rapporte gros.» 

Cependant, cette référence à la culture populaire n'est pas sans faire question. Jusqu’à quel point le Pop Art peut-il la citer sans se confondre avec elle ? 
Si chaque artiste apporte singulièrement sa réponse, il apparaît que Pop Art et « Culture Pop » ne se confondent pas, qu’ils entretiennent un rapport de dialogue. Car si le Pop Art emprunte ses matériaux à la culture de masse, celle-ci en retour profite de ses innovations stylistiques.
La tendance Pop prend dès le début des années 60 jusqu’en 1970 une dimension pluridisciplinaire et internationale qui se manifeste principalement à travers le design italien (par exemple le célèbre fauteuil Sacco, 1968, de Piero Gatti qui rappelle les objets mous de Claes Oldenburg) et les architectures utopiques du groupe Archigram (comme Walking City, 1964, imaginée par Ron Herron) issues de l’univers futuriste de la bande dessinée.

 À partir des années 70, les artistes se tourneront vers des préoccupations beaucoup plus contestataires.
Piero Gatti, Fauteuil Sacco, 1968


A walking city, Ron Herron, 1964


LES ARTISTES :

JASPER JOHNS, Augusta, Géorgie 1930
Biographie
Jasper Johns étudie à l’Université de Caroline du Sud jusqu’en 1948. Puis, il s’installe à New York où il apprend le dessin publicitaire, avant d’être enrôlé dans l’armée américaine. De retour en 1952, il réalise des vitrines et travaille dans une librairie. Il se lie d’amitié avec Robert Rauschenberg à partir de 1954. Ses premières peintures exécutées à la cire, matière épaisse et translucide, présentant des drapeaux, des cibles et des nombres, sont dévoilées au public à l’occasion de sa première exposition personnelle à la Galerie Leo Castelli de New York en 1958. Le choix des objets, bidimensionnels et familiers, ainsi que la dissociation opérée entre peinture et expression personnelle annoncent l’avènement du Pop Art en même temps que l’éclipse progressive de l’Expressionnisme abstrait. 
Cependant, Johns s’efforce de se tenir à distance du mouvement, afin de préserver la singularité de son œuvre. En utilisant une imagerie issue de lieux communs, «des choses que l’esprit connaît déjà», il s’interroge sur la fonction propre de la peinture. La représentation d’un même motif lui permet de pratiquer différentes techniques de mise en relief de l’objet.
Après sa rencontre avec Marcel Duchamp, par le biais du compositeur John Cage et du chorégraphe Merce Cunningham avec lesquels il collabore, il commence, vers 1960, une série de sculptures représentant des objets ordinaires, comme des ampoules électriques ou des boîtes de bière, en bronze peint, afin de mettre en relief leur toute nouvelle banalité dans le monde humain.
 Simultanément, il réalise des dessins et des lithographies qui font de lui un des maîtres contemporains dans le domaine des arts graphiques.
Jasper Johns, Flag (drapeau), 1967
Encaustique et collage sur trois panneaux de toile


ROY LICHENSTEIN, New York, 1923-1997

Biographie

Roy Lichtenstein est une des figures majeures du Pop Art américain. En 1961, au moment de l'éclosion du mouvement, il a l'idée de peindre l’agrandissement d’une image de bande dessinée choisie dans un magazine. C’est le point de départ de toute une série réalisée à partir de bandes dessinées et d'images publicitaires qu’il poursuit jusqu'en 1964. Lichtenstein est fasciné par l'efficacité de ces représentations populaires où les objets et les passions sont réduits à un essentiel accessible et anonyme qui lui paraît d'une vitalité bien supérieure à l'Expressionnisme abstrait, lequel sombrait alors dans l'académisme.
À la recherche de la plus grande neutralité, il en vient à peindre les effets produits par les techniques de l'imprimerie et les contraintes publicitaires : ses hachures, les aplats de quelques couleurs standard et la trame de points pour l'ombre et le relief. Il conserve ce vocabulaire technique lorsqu'il commence en 1964 une autre série de motifs : des paysages touristiques, des tableaux issus des icônes de l'histoire de l'art moderne, des miroirs hyperréalistes et des toiles qui sont autant de citations de ses œuvres anciennes.

Roy Lichtenstein, Whaam, 1963

CLAES OLDENBURG, Stockholm, 1929
Biographie
Après avoir étudié l’art et la littérature dans la prestigieuse université de Yale, Oldenburg suit des cours du soir à l’Art Institute de Chicago, de 1950 à 1952. Il s’installe à New York en 1956 où il rencontre Allan Kaprow, l’inventeur du happening, qui l’invite à participer à ses spectacles. C’est ainsi qu’Oldenburg commence à organiser ses propres happenings.
 Influencé par l'art brut, ses premières œuvres plastiques assemblent des matériaux de rebut. Au début des années 60, il crée ses premiers objets colorés en plâtre qu'il met en vente dans son atelier The Store. Comme son nom l’indique, ce lieu revêt les apparences d’une boutique munie d'une vitrine: la démarche de l'artiste consiste à brouiller les codes qui distinguent le marché de l’art du commerce courant.
Ses sculptures molles sont présentées pour la première fois au public à la Green Gallery de New York en 1962. Il s'agit d'œuvres qui bouleversent l'échelle et la matière d'objets quotidiens, objets de l'industrie agro-alimentaire - glaces, frites ou hamburgers - ou accessoires qui meublent imperceptiblement la maison moderne - prises, téléphones ou lavabos. Par la suite, il étend sa recherche en présentant ses objets selon trois versions, une version dure en bois peint, une version molle en tissu ou vinyle, et une version fantôme qui est une reproduction sans couleur de l’objet, chacun de ces états correspondant à l'évolution de la matière vers l'entropie finale.
Claes Oldenburg, « Ghost » Drum Set, 1972
Avec sa « batterie fantôme » (« Gost » Drum Set), en toile cousue puis peinte en blanc, Oldenburg s'empare d'un objet typique de la culture pop-rock pour lui faire subir une transformation à la fois grotesque et spirituelle. Constituée d'une matière molle, la batterie devient absurde puisqu'elle perd l'un de ses attributs essentiels, la rigidité des caisses de résonance. Mais l'objet devient encore plus fragile et tend à s'effacer, à disparaître, par le biais de sa blancheur, qui évoque le cliché enfantin du fantôme.
La version fantôme est conçue sur la base d'une version molle, qu'Oldenburg a réalisée en 1967 pour une exposition au Guggenheim Museum de New York. Parallèlement à ce travail réalisé en couleur, un projet monumental de chapiteau pour un parc de loisirs à Londres, où les tambours abritaient des auditoriums, a été imaginé dès 1966. Des versions miniatures portables ont vu le jour en 1970.
À travers cette série d'œuvres, Oldenburg parcourt un cycle qu'il se propose d'imposer aux objets sur lesquels il travaille. Après une première phase d'énergie et d'activité représentée par une version dure, l'objet se dégrade en s'amollissant, il subit l'entropie jusqu'à la mort, pour achever son cycle dans une version fantôme, phase de décomposition où sa matière s'efface au profit de l'idée. «Gost» Drum Set est cette dernière phrase.

ROBERT RAUSCHENBERG, Port Arthur, Texas, 1925
Biographie
Après des études de pharmacie et un engagement dans la marine américaine pendant la Deuxième Guerre mondiale, Robert Rauschenberg commence ses études artistiques au Kansas City Art Institute. En 1948, il séjourne à Paris où il s’inscrit à l’Académie Jullian. De retour aux Etats-Unis l’année suivante, il entre au Black Mountain College où il rencontre notamment le compositeur John Cage, avec qui il collabore régulièrement à partir de 1951, et le chorégraphe Merce Cunningham.
Au milieu des années 50, après un grand voyage en Europe, il réalise ses premières peintures intégrant des objets trouvés, les Combines paintings. Héritant de Schwitters, des collages cubistes et des associations surréalistes, ces œuvres confrontent des parties peintes dans le style subjectif des expressionnistes abstraits avec des éléments neutres importés des medias. 
Grâce à ce type de travail, il triomphe, et avec lui l’art américain, en obtenant le premier prix de la Biennale de Venise en 1964.
Robert Raushenberg, Combine painting, 1954


JAMES ROSENQUIST, Grand Forks, North Dakota, 1933
Biographie
Tout en gagnant sa vie comme peintre industriel, Rosenquist suit à partir de 1953 des cours de peinture traditionnelle à l'Université du Minnesota. Puis il passe l'année 1955 à l'Art Students League de New York dont l'enseignement le déçoit. Pendant ce temps, pour subsister, il s'emploie à peindre de gigantesques panneaux-réclames sur Times Square, apprentissage qui lui sera plus utile que toute autre formation académique.
Devenu l'ami de Rauschenberg et de Johns, mais aussi d'Ellsworth Kelly, il prend définitivement conscience de sa vocation de peintre. Il commence par réaliser des toiles abstraites, mais ne se satisfait pas des tendances contemporaines expressionnistes ou minimales. Il en conserve quelques caractéristiques stylistiques, comme le grand format, les couleurs rompues de blanc, mais s'oriente vers des motifs figuratifs typiques de la société américaine.
En 1962, lors de sa première exposition personnelle à la Green Gallery de New York, ses sujets comme sa technique provoquent de violentes controverses, mais toutes ses toiles sont vendues. Désormais, bien qu'il se soit toujours défendu de toute interprétation de son œuvre trop unilatéralement Pop, il participe à toutes les manifestations de cette tendance artistique.
Robert James Rosenquist, President Elect, 1960-1961
Rosenquist a très vite trouvé son identité d'artiste : des formats immenses, une manière de peindre à larges et souples coups de brosse, des couleurs vives mais presque toujours éclaircies de blanc qui donnent un effet de profondeur et d'ambiguïté, effet qu'il recherche aussi dans ses brusques ruptures d'échelle apprises de son métier passé de peintre industriel.
President Elect est l'une de ses rares œuvres directement inspirées des affiches publicitaires. Kennedy était alors une image d'optimisme pour les Etats-Unis, le gâteau et la voiture, les signes tangibles de cette nouvelle ère de prospérité. 
Cependant, l'originalité de Rosenquist s'y décèle déjà : division tripartite de la surface, qui rompt la monotonie de l'image et permet de multiplier les points de vue et les significations, ondoiement de la lumière sur le visage du Président, travail en grisaille pour les mains qui se greffent comme des apparitions, où certains ont pu voir une influence du Surréalisme, niée par l'artiste lui-même.

ANDY WHAROL, Pittsburg, Pensylvannie, 1928 - New York, 1987
Biographie
Issu d'une modeste famille d'origine slovaque, Andrew Warhola entreprend à partir de 1945 des études de graphisme à Pittsburgh, puis, après l’obtention de son diplôme en 1949, s'installe à New York comme illustrateur pour des revues telles que Vogue ou The New Yorker. Il réalise aussi des décors pour les vitrines de grands magasins. À cette occasion, il peint en 1960 ses premières toiles représentant Popeye ou Dick Tracy. Mais il constate l’année suivante qu’un peintre exposé à la célèbre galerie Leo Castelli, Roy Lichtenstein, s’est déjà approprié ces personnages pour les introduire dans l’art. Il leur préfère alors, à partir de 1962, d’autres poncifs de la société de consommation, tels que les boîtes de soupe Campbell ou les bouteilles de Coca-Cola, qu’il met en image grâce au procédé sérigraphique.
À la mort énigmatique de Marilyn Monroe en août 1962, il travaille à partir de clichés, largement diffusés par la presse mondiale, du visage désormais mythique de la star. C’est à ce moment qu’il devient l'un des artistes majeurs du Pop Art. Cette fascination pour l’image de la mort, qu'il exprime de nouveau dans les séries des accidents ou des chaises électriques, n'est pas sans lien avec son intérêt pour la reproduction mécanique où, finalement, il est toujours question de réduire l'être à sa simple enveloppe.
À partir de 1963, Warhol s’entoure d’assistants dans son atelier, la Factory, poussant ainsi à son paroxysme le caractère industriel de son travail. Il se consacre alors au cinéma ainsi qu’à l’organisation, vers la fin des années 60, de performances multimédias avec le groupe de rock le Velvet Underground. 
En 1968, après avoir été grièvement blessé par balle dans son atelier, il met fin à l'aventure collective et commence la série des portraits de célébrités, comme Mick Jagger, Calvin Klein, Mao…
 Au début des années 80, il encourage la jeune génération d’artistes new-yorkais, en collaborant par exemple avec Jean-Michel Basquiat.
Andy Warhol, Ten Lizes, 1963
En 1963, lorsque Warhol réalise cette toile, Elizabeth Taylor est au centre de l'actualité médiatique : sa prestation dans le Cléopâtre de Joseph Mankiewicz est vivement contestée, elle est «trop grasse» et «trop bien payée», dit un critique à la sortie du film le plus cher de l'histoire du cinéma.
 Toutefois, Warhol n'utilise pas dans cette œuvre une photographie contemporaine, mais un cliché probablement commandé par les studios de la Columbia Pictures, pour la promotion d'un autre film, Soudain, l'été dernier, tourné par le même Joseph Mankiewicz en 1959.
Cette photographie appartenait à Warhol, parmi une cinquantaine d'autres portraits de Liz Taylor. L'artiste, en donnant à voir cette image, invite à comparer les traits de l'actrice, avant et après la pneumonie virale qui avait menacé de l'emporter en 1961. Le portrait glamour de 1959 prouve que l'enregistrement photographique a d'ores et déjà immortalisé celle-ci au moment de l'apogée de sa beauté, ce que Warhol, avec cette toile, rappelle à la mémoire du public.
Il utilise ici le procédé sérigraphique qui consiste à reporter mécaniquement une image sur une toile en la réduisant à ses traits essentiels. Dépouillée de ses détails, la forme acquiert une plus grande efficacité visuelle. Outre ce pouvoir, cette technique, issue de l'industrie publicitaire pour laquelle Warhol a travaillé, lui permet d'approcher son idéal d'objectivité, selon lequel la perfection serait la reproduction à l'identique. Cette opération aurait pour effet de séparer l'image des significations qu'on lui attribue pour n'en conserver que l'apparence, l'image pure.
 Pourtant, la multiplication des portraits de «Liz» ne satisfait pas à l'exactitude de la reproduction : aucune image n'est identique à l'autre. 
Avec cette œuvre, Warhol s'achemine vers le cinéma qu'il pratique dès la fin de l'année 1963 : d'une peinture composée sur le modèle d'un photogramme et représentant l'actrice la plus emblématique d'Hollywood, il passe à la réalisation de films expérimentaux qui sont comme la dilatation dans le temps d'un arrêt sur image.

TEXTES DE RÉFÉRENCES :

Warhol (extraits de Andy Warhol. Rétrospective, Centre Georges Pompidou, 1990, pp. 457-467)
«Si je peins de cette façon, c’est parce que je veux être une machine, et je pense que tout ce que je fais comme une machine correspond à ce que je veux faire.»


«Ce qui est formidable dans ce pays, c’est que l’Amérique a inauguré une tradition où les plus riches consommateurs achètent en fait la même chose que les plus pauvres. On peut regarder la télé et voir Coca-Cola, et on sait que le président boit du Coca, que Liz Taylor boit du Coca et, imaginez un peu, soi-même on peut boire du Coca. Un Coca est toujours un Coca, et même avec beaucoup d’argent, on n’aura pas un meilleur Coca que celui que boit le clodo du coin. Tous les Coca sont pareils et tous les Coca sont bons. Liz Taylor le sait, le président le sait, le clodo le sait, et vous le savez.»


«Une fois qu’on est pop, on ne peut plus voir les signaux de la même façon. Et une fois qu’on a commencé à penser pop, on ne peut plus voir l’Amérique de la même façon. À partir du moment où on met une étiquette, on franchit le pas. Je veux dire, on ne peut plus revenir en arrière et voir la chose sans son étiquette. On voyait l’avenir et ça ne faisait aucun doute. On voyait des gens passer devant sans le savoir, parce qu’ils pensaient encore comme autrefois, avec des références au passé. Mais il suffisait de savoir qu’on était dans l’avenir, et c’est comme ça qu’on s’y retrouvait. Il n’y avait plus de mystère, mais les surprises ne faisaient que commencer.»


«Les artistes pop faisaient des images que tous les passants de Broadway pouvaient reconnaître en un quart de seconde: des bandes dessinées, des tables de pique-nique, des pantalons, des personnes célèbres, des rideaux de douche, des réfrigérateurs, des bouteilles de Coca… Toutes ces choses modernes formidables, que les expressionnistes abstraits s’efforçaient de ne surtout pas remarquer.»

CHRONOLOGIE

1956 
Exposition This is tomorrow à la Whitechapel Gallery, Londres, organisée par le critique Lawrence Alloway, inventeur du terme «Pop Art». Les œuvres exposées intégraient des éléments de la culture populaire : images de Marilyn Monroe, publicité pour le film Planète interdite…

1957 
Leo Castelli, qui sera l’un des grands promoteurs du Pop Art, ouvre sa galerie à New York.

1958 
Premières expositions personnelles de Jasper Johns et de Robert Rauschenberg à la Galerie Leo Castelli à New York.

1960 
Andy Warhol exécute ses premières peintures à partir de bandes dessinées : Dick Tracy, Superman, Popeye…

1961 
Première exposition personnelle de Rauschenberg à Paris, galerie Daniel Cordier.

Oldenburg ouvre le Store, un atelier-magasin où il expose des objets en plâtre peints, et organise des happenings. Ce lieu deviendra l’année suivante le Ray Gun Theater.

1962 
Roy Lichtenstein expose ses premières œuvres composées à partir de vignettes de BD, à la galerie Leo Castelli.

Marilyn Monroe meurt en août, son image est diffusée dans tous les journaux et magazines. Andy Warhol commence son travail de portrait multiple à partir de son effigie.

En octobre, la galerie Sidney Janis de New York organise l’exposition The New Realists. Les artistes européens nouveaux réalistes y sont présentés comme les précurseurs imparfaits d’une démarche artistique qui ne s’épanouit pleinement qu’avec les artistes du Pop Art.

Ileana Sonnabend (première femme de Leo Castelli) ouvre une galerie à Paris qui va introduire les artistes américains en Europe : elle expose Johns en 1962, Rauschenberg en 1963, Warhol en 1964.

1963 
En novembre, Warhol transforme un loft en studio qu’il appelle la Factory, lieu légendaire de la culture pop, dont les murs sont recouverts de papier aluminium ; c’est le lieu de rendez-vous de tous les participants à la vie underground new-yorkaise. Warhol y réalise ses premiers films, Eat et Kiss.

1964 
Le grand prix du jury de la 34e Biennale de Venise est décerné à Rauschenberg, signe de la nouvelle prédominance de l’art américain sur l’art européen.

1965 
Warhol rencontre le groupe du Velvet Underground qu’il produit, dont il réalise les pochettes de disques et organise les concerts.

1967 
La galerie Sydney Janis de New York présente l'exposition Hommage to Marilyn Monroe, qui rassemble de nombreux artistes, américains et européens, de la tendance Pop.

1968 
Warhol est grièvement blessé de plusieurs coups de revolver par Valérie Solanas, actrice féministe et fondatrice du SCUM (Society for Cutting Up Men), à la Factory.

1969 
Une grande rétrospective consacre l'œuvre d'Oldenburg au Museum of Modern Art de New York.

1971 
Warhol conçoit la pochette de Sticky Fingers pour les Rolling Stones, exemple de collaboration entre les différents domaines de la culture pop.

1974 
Lawrence Alloway propose une vision globale du Pop Art à travers la rétrospective qu'il lui consacre au Whitney Museum of American Art de New York : le Pop Art est désormais identifié comme un moment achevé de l'histoire de l'art.

(Sources: Centre Georges Pompidou)