Empreintes de main, grottes de Gargas, France, -27000 ans
On a dit que la signification exacte des mains et des
tracés digitaux que l’on retrouve sur les parois des grottes restait encore
aujourd’hui obscure. Par contre leur universalité
est réelle, sans doute parce qu’elles sont aussi la partie du corps la plus
reconnaissable en silhouette (un
visage par exemple serait difficilement reconnaissable). Les mains les plus
anciennes sont des mains en négatif, elle témoignent de la présence de l'homme à travers son absence.
Saint Suaire de Turin
Saint Suaire de Turin (radiographie)
Le Mandylion ou Image d'Edesse est, selon la tradition chrétienne, une relique consistant en une pièce de tissu rectangulaire sur laquelle l'image du Christ (la Sainte Face)a été miraculeusement imprimée de son vivant. Pour l'église orthodoxe, il s'agit de la première icône (du grec signifiant: image). On parle aussi de "linge de Véronique".
Véronique,(vera icona, la vraie image) est un personnage de la tradition chrétienne, dont la légende s'est développé entre le VII° et le VIII° siècle. Dans sa version la plus connue il s'agit d'une femme pieuse de Jérusalem qui, poussé par la compassion lorsque Jésus portait sa croix au Golgotha, lui a donné son voile pour qu'il puisse essuyer son front. Jésus accepta et, après s'en être servi, le lui rendit avec l'image de son visage qui s'était miraculeusement imprimée.
Ces saintes faces (comme le Saint Suaire de Turin) sont des empreintes, relique réelle, ou peinture représentant le linge avec l’empreinte
du visage du christ. C’est une empreinte mais c’est aussi le seul portrait authentique du christ nous dit
l’église car il a été produit par contact
direct avec le visage du dieu. A ce titre, elle est plus qu’une image car
elle n’a pas eu recours à la main de l’homme et elle va au delà de l'«imitation artistique». C’est pratiquement une «vision».
Le Saint Suaire de Turin a été daté au carbone 14 du Moyen âge, il ne date pas de l'époque du Christ.
Paul Chan, First Light, projection vidéo, 2005
Paul Chan projette sur le sol une multitudes d'ombres d'objets qui s'élèvent vers le ciel tandis que des ombres de corps chutent vers le sol. Téléphones, I-pod, scooters, trains entier montent vers le ciel tandis que les hommes chutent, tels les corps des suicidés du 11 septembre. Cette installation vidéo est une métaphore de notre société matérialiste et de la chute des hommes qui courent à leur perte.
Bill Viola, He weeps for you, 1976, installation vidéo
Dans l’installation vidéo He weeps for you, le spectateur entre dans une pièce obscure. Sur
l’écran mural, placé en face de lui, son image apparaît, inversée, captée par un dispositif
vidéo qui filme une goutte d’eau. Mais l’image du spectateur disparaît aussitôt
que la goutte cède à son propre poids et vient tomber en résonnant sur une peau de tambour. A peine a-t-il le temps d’apercevoir son reflet dans la goutte, que la perception qu'avait le spectateur de lui-même, s’évanouit
avec elle. Il y a là quelque chose d’inquiétant pour le spectateur qui touche à
sa propre finitude, à sa disparition. Au moment où son image est fixée dans la
goutte d’eau telle une empreinte immatérielle, elle disparaît et quelque part
lui avec.
Hiroshima, empreinte d'un corps et d'une échelle, photographie.
Lors de l'explosion de la bombe atomique à Hiroshima, certains corps, pulvérisés, se sont imprimés sur les murs encore debout. Ces images, ces empreintes, témoignent de leur absence et de la violence de la tragédie.
Antony Gormley, Bed, 1981
Ici le corps est absent :
seule subsiste l’empreinte de deux corps dans un lit constitué de tranches de
pains cirées (le pain est le symbole à la fois du corps et de l’esprit du
christ consommé dans l’eucharistie). Ce lit de pain « contient » le corps invisible de l’artiste dont l’esprit est rendu présent par l’absence physique du corps. Pour
Gormley, un corps est de l’énergie
qui se déplace dans l’espace :
si on le fige, des éléments cachés de l’esprit qu’il contient sont révélés.
Ana Mendieta, Sans titre, 1978
Chez l’artiste Ana Mendieta,
l’empreinte est à la fois la fracture de
l’unité du sol, et la symbiose
de l’artiste avec l’environnement.
Ses œuvres sont souvent accompagnées de
rituel. Le sol a son
importance en tant que réceptacle formel
dans le travail de Mendieta, mais il a aussi son importance en tant que matière. La boue, par exemple, est perçue comme une entité régénératrice,
proche du sang et des écoulements lymphatiques.
L’empreinte est directe, sans aucun
intermédiaire. La forme est incertaine,
car les sols choisis sont souvent visqueux, boueux, mais on distingue quand
même la silhouette féminine. L’imprécision
des contours met en avant la fragilité
de la trace, renforce son aspect éphémère et l'idée de présence/ absence.
Parfois Ana Mendieta dessine ses silhouettes avec du végétal, l’empreinte est
alors en positif.
Pol Ubeda, photographie
Pol Ubeda, photographie
Dennis-Oppenheim, From point to annual rings, 1968, Land art
L'artiste Dennis-Oppenheim, pionnier du Land art, a tracé des cercles concentriques dans la neige de part et d'autre d'une rivière qui sépare le Canada des Etats-Unis, laissant la trace de sa présence, symbolisant l'absence et le temps qui passe.
James Casebere, Garage, 2003, photographie
John Balto, photographie
Richard Long, A line made by walking, 1967
A Line Made by Walking, 1967 : Long a fait plusieurs allers-retours
sur la même ligne droite, dans une prairie du Somerthet. Il a créé ainsi une
sorte de sentier en écrasant l’herbe et les fleurs. La ligne partageant en deux
la prairie est restée visible le temps que l’herbe se redresse ou repousse.
Cette œuvre, réalisée lorsqu’il était encore étudiant, annonce toute son œuvre
à venir : le travail de la trace
dans le paysage.
La trace que Richard Long laisse dans l’environnement est éphémère et sans impact réel de modification. C’est une simple présence et preuve de son passage. Le corps de Long est un instrument
qui dessine dans le paysage le temps
qui s’écoule. A travers l’empreinte régulière qu’il imprime au lieu, il révèle
en même temps l’impossibilité de la domination de ce même lieu. Il entre en relation avec le monde.
Philippe Ramette, L'ombre de moi-même, 2007, photographie
Sophie Calle, Mother and father, 1990, photographie
Sam Taylor Wood, Still life (Nature morte), 2001, vidéo