vendredi 10 janvier 2014

3° RÉFÉRENCES: CONTAMINATION/ PROPAGATION


CONTAMINATION/ PROPAGATION
RÉFÉRENCES



Voici quelques exemples d'artistes qui travaillent autour de l'idée de contamination/ propagation à travers des installations aussi diversifiées que surprenantes:


Kurt Schwitters, The Merzbau, 1924

Le merzbau s'inscrit dans la continuité du travail de collage et d'assemblage. La photographie fixe une étape de cette installation considérable réalisée entre 1924 et 1936.

Le nom original qu'il avait donné à cette construction était Cathédrale de la misère érotique dont le contenu était aussi choquant pour l'époque que tout ce que pourraient produire les artistes radicaux d'aujourd'hui. Le terme Merz provient d'un fragment de papier qu'il trouva où se trouvait inscrit le mot allemand Kommerz, de Kommerz Bank; qui signifie construction en allemand. Il ne garde que la fin du mot Mertz qu’il déclinera. Un Merzbild est un tableau Merz, des Merzzeichnungen : des dessins Merz… 

Le Merzbau, quant à lui, est une sculpture protéïforme (aux formes multiples), une accumulation où se cachent des niches individuelles consacrées à ses amis artistes. Cette colonne de débris et de formes rigoureuses s’élève jusqu’au plafond. Dans les cavités, on trouve, non détournés, la cravate de Théo Van Dœsburg, un crayon de Mies Van der Rohe. Cette construction-support à reliques où l’on peut voir une mèche de cheveux, un dentier, jusqu’à un flacon d’urine, étouffe dans cet appartement de Hanovre. L’artiste veut poursuivre sa « cathédrale érotique », découpe le plafond de la maison familiale, traverse trois étages et occupe une grande partie de la maison.



Schwitters travailla de 1923 à 1936 sur la forme Merzbau. L'arrivée des nazis au pouvoir en Allemagne en 1933 contraint Schwitters à l'exil en Norvège. Il y entama la construction d'un nouveau Merzbau dans les environs d'Oslo mais le laissa inachevé suite à l'invasion du pays et dont les restes brûlèrent en 1951. Il fuit à nouveau, cette fois vers la Grande-Bretagne où il fut interné jusqu'en 1941 en tant qu'Allemand. En 1945, malgré une santé fragile, il reprit la construction d'une nouvelle œuvre connue sous le nom de Merz barn, soutenu par le Museum of Modern Art de New York. A son décès en 1948, il n'avait terminé qu'un seul mur. On peut aujourd'hui voir à l'Université de Newcastle.

Il apparaît déterminant de comprendre combien le Merzbau constitue l'œuvre d'une vie réengagée lors de chaque déménagement contraint. Cette sculpture protéiforme est réalisée par assemblage de matériaux glanés, matériaux de récupération, déchets, rebuts de nature diverses. Cependant, cette « cueillette d'éléments hétérogènes et hétéroclites » n'est pas le fruit d'un collectage hasardeux, c'est bien au contraire les qualités physiques et plastiques des matériaux qui déterminent leur sélection. Schwitters met à mal la hiérarchisation des matériaux, nobles et pauvres. Le déchet, le rebut font irruption avec radicalité dans la « chasse gardée » des matériaux réservés au champ artistique. Par cet acte, c'est la vie dans sa trivialité, sa quotidienneté qui s'invite au grand banquet du monde «aristocratique» de l'art. 

Ces éléments sont intégrés au fur et à mesure, l'œuvre ne connaît pas de stade d'achèvement, elle est en constante évolution. l'œuvre semble se générer elle-même, se déployer selon son propre principe de "vie" en poussant au delà les limites jusqu'à exclure l'espace de vie pour lequel il était prévu au départ. Car c'est au cœur de sa maison que s'érige cette sculpture protéiforme. Progressivement elle contamine tous les espaces, traverse trois niveaux, s'étend sur huit pièces. L'espace de vie est totalement mobilisé et devient espace de l'œuvre. Les formes organiques remettent profondément en cause la structure initiale de l'habitat, la maison est à la fois le matériau premier, son support, son cadre et son cocon.







Vidéo en time laps de la reconstruction du Merzbau au  Musée d'art moderne de Berkeley, Etats-Unis, 2011.




Quelques oeuvres d'Henrique Oliveira (dossier plus complet sur le blog):



Henrique oliveira

Henrique oliveira

Henrique oliveira


Contaminação de Joana Vasconcelos au palais Grassi - Biénale de Venise, 2008


Installation dans un restaurant


Kate MaccGwire, plumes se déversant d'un conduit, 2013.

Kate MccGwire, Retch (Haut le coeur), 2007



Kate MccGwire, "Disquiet" par artforbreakfast
Interview de Kate MccGwire



Esther Stocker, Open form, 2011


Installation de Tadashi Kawamata à Versailles, 2008.



Extrait de la réalisation de l'installation de Kawamata à Versailles.


God Hungry,Installation de Subodh Gupta, Eglise Sainte Marie Madeleine, Lille, 2013

Selon Subodh Gupta, cette déferlante de vaisselle revêt plusieurs significations en lien direct avec sa propre culture. Premièrement, l’utilisation de vaisselle en Inox – récurrente dans ses œuvres témoigne des mutations de la société indienne. L’abandon des objets traditionnels, évincés au profit d’objets plus modernes, symbolise l’ascension sociale et les migrations de la campagne vers les villes. 
D’autre part, cet amas d’objets désordonnés évoque, pour lui, le Tsunami de 2004 qui a touché la côte Est de l’Inde. Cette catastrophe naturelle a été perçue par les hindouistes comme l’expression de la colère divine. Cette croyance fait indubitablement écho au thème du déluge de la tradition judéo-chrétienne relaté dans l’Ancien Testament (Genèse, 6-8). 
Enfin, Subodh Gupta mentionne le mythe de la rencontre de Krishna et Sudama, relaté dans le Bhagwat Purana. Sudama, qui vit dans la pauvreté, rend visite à son ancien ami Krishna et lui offre du powa (riz soufflé). De retour chez lui, il découvre sa demeure métamorphosée en palais; sa famille est alors dotée d’une grande richesse, témoignage de la bonté de Krishna.



Les pois rouge de l'artiste japonaise Yayoi Kusama.

Yayoi Kusama (se prononce K'sama) est née en 1929 à Matsumoto, préfecture de Nagano.
Kusama est une des plus grandes artistes contemporaines au Japon. 
Le travail de Kusama, qu’elle qualifie d’obsessionnel, est fondé sur la répétition et la multiplication de signes. 1960 voit le lancement de son Manifeste de l’oblitération : « Ma vie est un pois perdu parmi des millions d’autres pois... ». 
Enfant, Kusama avait eu la vision hallucinatoire d’un motif en forme de pois décorant une nappe familiale se répéter dans la pièce. Dès lors, son univers en sera peuplé et ses installations habitées d’une multitude de pois colorés répétés à l’infini.
Après les corps peints viendront les vêtements puis des espaces entiers seront couverts de points, du ciel au plafond. Mais elle ne crée pas mécaniquement. Elle invente à chaque fois une manière d'agencer ces points dans l'espace, variant les couleurs, les tailles, les atmosphères, les matériaux, les éclairages.


De santé mentale fragile, elle vit volontairement dans un établissement de soins psychiatriques de Tokyo depuis 1977, cet établissement est réputé pour ses pratiques encourageant l'expression artistique comme thérapie.
Libération sexuelle, critique violente de la société de consommation et politisation de l'art deviennent l'enjeu majeur de ses performances. Cette rébellion des corps représente l'un des apports les plus singuliers de Kusama. Par cette émancipation, elle participe à la quête d'une autonomie à la fois physique, sexuelle et intellectuelle, associant féminisme et performance.

AUTRES RÉFÉRENCES



Ce thème "contagion/propagation" se retrouve aussi dans le cinéma, le cinéma d'animation ou la littérature:
-Inception, film de Christopher Nolan, 2010, dans lequel on peut "contaminer" les pensées d'autrui en pénétrant dans ses rêves.
-Princesse Mononoke, film d'animation d'Hayao Miyazaki, 1997, où une entité démoniaque ronge la forêt et ses habitants en se propageant de plus en plus.
-Le Hussard sur le toît, livre de Jean Giono, 1951, décrit la Provence en pleine épidémie de choléra.
-Le masque de la Mort Rouge, nouvelle d'Edgar Allan Poe,1842, raconte l'épidémie foudroyante de la Mort Rouge et fait partie du recueil Nouvelles histoires extraordinaires.
-La vague, Todd Strasser, 1981: Ben Ross est professeur d'histoire dans le paisible lycée de Gordon, aux Etats-Unis. Alors qu'il explique à ses élèves l'histoire et le fonctionnement du régime nazi, il est surpris de ne pouvoir répondre clairement à la question "Comment ont-ils pu faire cela ?". Ne trouvant pas de réponse claire, il expérimente une sorte de micro-régime autoritaire dans sa classe, avec l'espoir que les élèves finissent par trouver eux-même la réponse à cette question...

A partir d’un cours sur la Seconde Guerre mondiale, ce professeur va tenter une expérience dangereuse: instaurer une discipline, un sentiment communautaire entre les élèves de sa classe pour leur montrer que les dérives nazies n’étaient pas le fait du hasard; et que les jeunesses fascistes n’étaient pas l’œuvre de quelques fous, mais bien de jeunes comme eux, qui ont été manipulés. Rapidement, les élèves se prennent au "jeu", le mouvement se répand, avec son symbole, ses signes d’appartenance. Petit à petit, les anciennes frontières s’estompent : "C’est le sentiment d’appartenir à une chose plus importante que soi. [...] Vous faites partie d’un mouvement, d’une équipe, d’une cause." et les élèves sont peu à peu contaminés par cette montée fasciste…