mardi 20 mai 2014

4° RÉFÉRENCES: L'ABSENCE/ LA DISPARTITION

Empreintes de main, grottes de Gargas, France, -27000 ans

On a dit que la signification exacte des mains et des tracés digitaux que l’on retrouve sur les parois des grottes restait encore aujourd’hui obscure. Par contre leur universalité est réelle, sans doute parce qu’elles sont aussi la partie du corps la plus reconnaissable en silhouette (un visage par exemple serait difficilement reconnaissable). Les mains les plus anciennes sont des mains en négatif, elle témoignent de la présence de l'homme à travers son absence.


Saint Suaire de Turin

Saint Suaire de Turin (radiographie)

Le Mandylion ou Image d'Edesse est, selon la tradition chrétienne, une relique consistant en une pièce de tissu rectangulaire sur laquelle l'image du Christ (la Sainte Face)a été miraculeusement imprimée de son vivant. Pour l'église orthodoxe, il s'agit de la première icône (du grec signifiant: image). On parle aussi de "linge de Véronique".


Véronique,(vera icona, la vraie image) est un personnage de la tradition chrétienne, dont la légende s'est développé entre le VII° et le VIII° siècle. Dans sa version la plus connue il s'agit d'une femme pieuse de Jérusalem qui, poussé par la compassion lorsque Jésus portait sa croix au Golgotha, lui a donné son voile pour qu'il puisse essuyer son front. Jésus accepta et, après s'en être servi, le lui rendit avec l'image de son visage qui s'était miraculeusement imprimée. 

Ces saintes faces (comme le Saint Suaire de Turin) sont des empreintes, relique réelle, ou peinture représentant le linge avec l’empreinte du visage du christ.  C’est une empreinte mais c’est aussi le seul portrait authentique du christ nous dit l’église car il a été produit par contact direct avec le visage du dieu. A ce titre, elle est plus qu’une image car elle n’a pas eu recours à la main de l’homme et elle va au delà de l'«imitation artistique». C’est pratiquement une «vision».

Le Saint Suaire de Turin a été daté au carbone 14 du Moyen âge, il ne date pas de l'époque du Christ. 

Paul Chan, First Light, projection vidéo, 2005

Paul Chan projette sur le sol une multitudes d'ombres d'objets qui s'élèvent vers le ciel tandis que des ombres de corps chutent vers le sol. Téléphones, I-pod, scooters, trains entier montent vers le ciel tandis que les hommes chutent, tels les corps des suicidés du 11 septembre. Cette installation vidéo est une métaphore de notre société matérialiste et de la chute des hommes qui courent à leur perte.


Bill Viola, He weeps for you, 1976, installation vidéo


Dans l’installation vidéo He weeps for you, le spectateur entre dans une pièce obscure. Sur l’écran mural, placé en face de lui, son image apparaît, inversée, captée par un dispositif vidéo qui filme une goutte d’eau. Mais l’image du spectateur disparaît aussitôt que la goutte cède à son propre poids et vient tomber en résonnant sur une peau de tambour. A peine a-t-il le temps d’apercevoir son reflet dans la goutte, que la perception  qu'avait le spectateur de lui-même, s’évanouit avec elle. Il y a là quelque chose d’inquiétant pour le spectateur qui touche à sa propre finitude, à sa disparition. Au moment où son image est fixée dans la goutte d’eau telle une empreinte immatérielle, elle disparaît et quelque part lui avec.


Hiroshima, empreinte d'un corps et d'une échelle, photographie.

Lors de l'explosion de la bombe atomique à Hiroshima, certains corps, pulvérisés, se sont imprimés sur les murs encore debout. Ces images, ces empreintes, témoignent de leur absence et de la violence de la tragédie.



Antony Gormley, Bed, 1981

Ici le corps est absent : seule subsiste l’empreinte de deux corps dans un lit constitué de tranches de pains cirées (le pain est le symbole à la fois du corps et de l’esprit du christ consommé dans l’eucharistie). Ce lit de pain « contient » le corps invisible de l’artiste dont l’esprit est rendu présent par l’absence physique du corps. Pour Gormley, un corps est de l’énergie qui se déplace dans l’espace : si on le fige, des éléments cachés de l’esprit qu’il contient sont révélés.



Ana Mendieta, Sans titre, 1978


Chez l’artiste Ana Mendieta, l’empreinte est à la fois la fracture de l’unité du sol, et la symbiose de l’artiste avec l’environnement. 
Ses œuvres sont souvent accompagnées de rituel. Le sol a son importance en tant que réceptacle formel dans le travail de Mendieta, mais il a aussi son importance en tant que matière. La boue, par exemple, est perçue comme une entité régénératrice, proche du sang et des écoulements lymphatiques.
L’empreinte est directe, sans aucun intermédiaire. La forme est incertaine, car les sols choisis sont souvent visqueux, boueux, mais on distingue quand même la silhouette féminine. L’imprécision des contours met en avant la fragilité de la trace, renforce son aspect éphémère et l'idée de présence/ absence. Parfois Ana Mendieta dessine ses silhouettes avec du végétal, l’empreinte est alors en positif.


Pol Ubeda, photographie


Pol Ubeda, photographie



Dennis-Oppenheim, From point to annual rings, 1968, Land art

L'artiste Dennis-Oppenheim, pionnier du Land art, a tracé des cercles concentriques dans la neige de part et d'autre d'une rivière qui sépare le Canada des Etats-Unis, laissant la trace de sa présence, symbolisant l'absence et le temps qui passe.


James Casebere, Garage, 2003, photographie


John Balto, photographie


Richard Long, A line made by walking, 1967


A Line Made by Walking, 1967 : Long a fait plusieurs allers-retours sur la même ligne droite, dans une prairie du Somerthet. Il a créé ainsi une sorte de sentier en écrasant l’herbe et les fleurs. La ligne partageant en deux la prairie est restée visible le temps que l’herbe se redresse ou repousse. Cette œuvre, réalisée lorsqu’il était encore étudiant, annonce toute son œuvre à venir : le travail de la trace dans le paysage
La trace que Richard Long laisse dans l’environnement est éphémère et sans impact réel de modification. C’est une simple présence et preuve de son passage. Le corps de Long est un instrument qui dessine dans le paysage le temps qui s’écoule. A travers l’empreinte régulière qu’il imprime au lieu, il révèle en même temps l’impossibilité de la domination de ce même lieu. Il entre en relation avec le monde.



Philippe Ramette, L'ombre de moi-même, 2007, photographie


Sophie Calle, Mother and father, 1990, photographie



Sam Taylor Wood, Still life (Nature morte), 2001, vidéo