mardi 10 février 2015

HISTOIRE DES ARTS 2015


OEUVRE N°1:


BOTTICELLI, Adoration des mages, 1475 (Tempera sur bois 111*134 cm,à Florence):

L'oeuvre est un hommage à Laurent le Magnifique et sa famille (la famille Médicis) qui avait l'habitude de défiler chaque année dans les rues de Florence avec la compagnie des Mages, déguisés en rois orientaux.
On peut distinguer, à partir de la gauche, Julien de Médicis sur lequel s'appuie le poète Politien. Le Mage agenouillé au pied de Jésus est Cosme l'Ancien, tandis que celui de dos, avec le manteau rouge, est Pierre le Goûteux, père de Laurent. Botticelli apparaît à droite, fixant du regard le spectateur.
L’artiste se représente en jeune homme au manteau jaune, en train de toiser le spectateur, tourné vers nous et non vers la scène de l’enfant Jésus qui vient de naître.
Ce célèbre retable a été commandé pour la riche chapelle de Gasparre Del Lama à la droite de l'entrée principale de Santa Maria Novella.
Thème :
L'Adoration des mages est l'épisode de la vie de Jésus qui s'inscrit juste pendant la Nativité, un des thèmes de l'iconographie chrétienne. Il montre Jésus enfant qui vient de naître, entouré de sa mère Marie, de son père Joseph, souvent en retrait.
Les rois mages, que l'on peut reconnaître à leur âge respectif, sont accompagnés de leur cortège et c'est aussi le prétexte à exposer les personnages importants et influents du temps de la réalisation de l'œuvre peinte. Ce sont les mécènes de l’œuvre.
Description
Contrairement à beaucoup de tableaux sur ce thème, ici, Marie présentant Jésus à l'Adoration, est placée au centre du tableau en position élevée dans le décor, dans un enchevêtrement de grotte, de ruines, de cabane en bois, en une sorte de trône. Les seules architectures visibles sont des ruines antiques à la gauche du tableau, extérieures à la scène proprement dite du sujet. Des monts au loin dans le fond se perdent dans une perspective atmosphérique.
Des personnages nombreux participent au défilé et sont placés dans deux groupes à droite et à gauche laissant une trouée permettant de voir le plus vieux des mages agenouillé, le turban à ses pieds, et à qui est présenté Jésus ; les deux autres nous tournent le dos mais on les identifie à leurs présents dorés et à leur coiffes posées sur le sol.
Les cortèges s'étalent en deux groupes distincts ramassés à droite et à gauche sans profondeur, mis à part deux ou trois personnages éloignés dans les ruines de gauche.
Analyse
Le tableau utilise la perspective, que l’on redécouvre à la Renaissance. Elle est visible au travers des ruines et murs et aussi grâce au bleuissement des lointains (perspective atmosphérique).
Son principal intérêt documentaire tient au fait de la présence, dans le tableau, de nombreux portraits de personnalités des Médicis dans une composition anachronique et aussi par la présence du peintre, à droite, regardant vers le spectateur. Pour ces types d’autoportraits, on parle d’autoportrait « situé ». La particularité de l'autoportrait situé est que l'artiste, souvent perdu dans la foule des protagonistes, n'y est reconnaissable que par l'intensité de son regard dirigé vers le spectateur qu'il semble prendre à témoin de ce qui se passe devant lui. Le peintre sert de médiateur entre le spectateur et l’espace pictural, intensifiant l’effet de réalisme de la représentation, nous y introduisant mentalement. 

LA NAISSANCE DE L'AUTOPORTRAIT:

L’apparition de l'autoportrait comme motif puis comme genre pictural dans l’art occidental date de la fin du Moyen Âge, vers le XIV° siècle. On trouve des représentations d’artistes travaillant au moyen âge (Des moines se représentent peignant, attestant d’un certain goût pour l’individualisme, dans les enluminures), mais l'autoportrait en tant que reflet, double manifestant la conscience d'une individualité reste très ponctuel.

L’autoportrait s’érige, à la Renaissance, en genre pictural. Rappelons que la Renaissance célèbre l’homme comme créateur, l’artiste comme génie. Le peintre et le sculpteur passent du statut d’artisan au moyen-âge (l’artisan n’étant qu’un simple exécutant de la volonté divine) à celui d’Artiste à la Renaissance. Parallèlement à cela, l’invention et la diffusion du miroir de verre (Venise) et les progrès techniques de la peinture (invention de la peinture à l’huile) autorisent (plus que la fresque et la tempera) un travail tout en finesse et précision dans le rendu des apparences.

Signe de la maîtrise de son art, l’autoportrait traverse les siècles et connaît son apogée au XV° et XVI° siècle. Il permet à l’artiste de figurer ses aspirations, ses doutes, ses projections mentales etc…
Autre œuvre de Sandro Boticcelli : La naissance de Vénus, vers 1485



OEUVRE N°2:



Robert Rauschenberg, Monogram, 1955-59,
Huile, papier imprimé, reproductions imprimées, métal, bois, 
talon en caoutchouc et balle de tennis sur toile, avec huile sur chèvre angora 
et pneu sur socle en bois monté sur quatre roulettes, 106,6 x 160,6 x 163,8 cm
L’ŒUVRE :
Monogram est un des plus célèbres Combines sur lequel Rauschenberg reviendra à plusieurs reprises avant d’arriver à la version définitive.
C’est une association incongrue : sur une sorte de tableau abstrait posé horizontalement, Rauschenberg a placé une chèvre angora au museau peint, ceinte d’un pneu d’automobile, et différents collages (allant d’une balle de tennis à différents papiers imprimés).
SA SIGNIFICATION :
Si le pneu renvoie à l’enfance de l’artiste habitant près d’une usine à pneus, l’association avec la chèvre empaillée pose question. Le titre Monogram rend ce montage encore plus énigmatique. Monogram, ou entrelacement de plusieurs lettres en un seul caractère, est composé ici de l’enchevêtrement du bouc et du pneu. La lettre O du pneu passerait ainsi autour de l’animal pour faire un nœud rebelle au sens et à toute idée de beauté.
Ready made (pneu) et animal empaillé coexistent en cette œuvre qui laisse, selon les souhaits de l’artiste, autant de place pour le regardeur que pour l’artiste.

Pour comprendre cette œuvre il faut la situer dans l’histoire de l’art du XX° siècle :

-En 1912, Pablo Picasso réalise « Nature morte à la chaise canée », premier collage jamais réalisé (il colle un bout de toile cirée sur le tableau). L’objet s’invite pour la première fois dans la peinture.

-En 1914, avec le fameux Porte-bouteilles, acheté au Bazar de l’Hôtel-de-ville, Marcel Duchamp élabore le concept de ready-made : « objet usuel promu à la dignité d’œuvre d’art par le simple choix de l’artiste » (définition du Dictionnaire abrégé du Surréalisme, André Breton, 1938). La main de l’artiste n’intervient plus dans l’œuvre. La trace du créateur a disparu et se réduit au seul choix et à la nomination de l’objet. Les objets de la vie courante peuvent devenir œuvre d’art et être intégrés dans des œuvres.

Marcel Duchamp, Roue de bicyclette, 1914

-Dans les années 20 et 30, le Dadaïsme et le Surréalisme, deux courants artistiques, utilisent collages, objets de la vie quotidienne et objets de rebus dans leurs œuvres. Chez les Surréalistes, on réalise des assemblages insolites, illustrant la célèbre phrase de Lautréamont : «Beau comme la rencontre fortuite d’un parapluie et d’une machine à coudre sur une table de dissection», et faisant appel à des associations inconscientes.

Kurt Schwitters, New Mertz picture, 1931

-Au début des années cinquante Rauschenberg commençe sa carrière artistique par des peintures monochromes blanches, noires, or et rouges, avec papier journal marouflé et peint, produisant des effets de différentes textures. Il veut déjà abolir en art le principe sacro-saint de l’expression de soi. Ces surfaces se veulent des miroirs, des surfaces neutres prêtes à accueillir le reflet du monde. «Aujourd’hui est leur créateur», dit l’artiste à leur sujet. La période des Combines vient immédiatement après.
LES COMBINES :
Comme le nom l’indique, les Combines sont des œuvres hybrides, qui associent à la pratique de la peinture celle du collage et de l’assemblage d’éléments les plus divers prélevés au réel quotidien. Des oiseaux empaillés aux bouteilles de Coca-Cola, des journaux aux images de presse, aux tissus, aux papiers peints, aux portes et aux fenêtres, l’univers entier semble s’associer à la peinture.
Rauschenberg met en œuvre un art fondé sur l’expérience et la diversité. Le tableau devient un dispositif où se mêlent différents modes de représentation et de perception de la réalité.
Ami du musicien John Cage, le son l’intéresse aussi et, dans ses dernières Combines, il développera des analogies entre musique et arts plastiques. Proche aussi du chorégraphe Merce Cunningam et de la danse, certaines de ses œuvres seront des décors de scène.
« Ce n’est ni de l’Art pour l’Art, ni de l’Art contre l’art. Je suis pour l’Art, mais pour l’Art qui n’a rien à voir avec l’Art. L’Art a tout à voir avec la vie, mais il n’a rien à voir avec l’Art », affirme Rauschenberg. (Entretien avec André Parinaud, in Catalogue de l’exposition Paris New York Paris, Musée national d’art moderne, Editions du Centre Pompidou, 1977.)
L’art de Rauschenberg s’oppose directement à l’esthétique de l’Expressionnisme abstrait qui domine dans les années cinquante aux Etats-Unis. En introduisant le réel dans l’oeuvre il va à l’encontre des coups de pinceaux de Pollock, De Kooning et des autres expressionnistes abstraits, visant l’absolu et le sublime dans l’art.

Jackson Pollock en plein travail

Dans les Combines, chaque élément conserve son intégrité sans occulter les autres. Présent, passé, images de presse ou reproductions de chefs-d’œuvre de l’art occidental, dessin et peinture, coussins et boîtes s’intègrent dans ses œuvres, qui veulent introduire «la totalité dans le moment».
Entretenant des relations de plus en plus subtiles entre peinture et sculpture, image photographique et abstraction, se réclamant d’un art total qui inclut la musique, la danse, et qui inscrit le temps dans l’œuvre plastique, l’artiste n’a pas arrêté de questionner et de dépasser les limites entre les arts.
Si, pour Jaspers Johns (qui, avec Rauschenberg, est un des précurseurs du Pop Art), Rauschenberg est l’artiste qui a le plus inventé au cours du XXe siècle depuis Picasso, pour l’historien d’art Léo Steinberg « ce qu’il a inventé par-dessus tout, c’est une surface picturale qui redonnait sa place au monde ».

OEUVRE N°3:


Joseph Kosuth (1945 - ) One and Three Chairs (Une et trois chaises) 1965
Bois, épreuve gélatino-argentique
118 x 271 x 44 cm

Chaise en bois, photographie de la chaise et agrandissement photographique de la définition du mot "chaise" dans le dictionnaire.

Figure majeure de l’art conceptuel, Joseph Kosuth est aussi l’un des principaux théoriciens du mouvement.
En 1969, dans un article célèbre intitulé « L’Art après la philosophie », il explique que Marcel Duchamp est pour lui la charnière entre « la “fin” de la philosophie et le “début” de l’art ». Avec le readymade s’opère un changement : « Ce changement – un passage de l’“apparence” à la “conception” – fut le commencement de l’art “moderne” et le début de l’art “conceptuel”. Tout art (après Duchamp) est conceptuel (par sa nature), parce que l’art n’existe que conceptuellement.»

One and Three Chairs, qui met en scène un objet choisi pour sa banalité, reprend le readymade là où Duchamp l’avait laissé ; il l’enferme dans une démarche tautologique.
Comme cette oeuvre ci-dessous de Joseph Kosuth, Four colors four words, 1966 : ici l’œuvre décrit ce qu’elle est, on parle de tautologie. (tautologie : procédé consistant à répéter une idée déjà exprimée : « au jour d’aujoud’hui est une tautologie par exemple, tout comme « monter en haut »)
Pour Kosuth les tautologies sont les seules propositions certaines, elles restent toujours vraies (alors que, par exemple, les critères de beauté changent d’une époque à une autre).



Dans One and three chairs, l’objet (la chaise), présenté entre sa reproduction photographique et sa définition dans le dictionnaire qui sont ses « doubles » (la photographie et la définition), se voit ainsi efficacement réduit à son seul concept.

L’ensemble est la triple représentation d’une même chose sans qu’il y ait une répétition formelle.


Ce qui est important, ce n’est pas la chaise réelle (un objet anecdotique), ni la photographie (son image), ni enfin sa définition (son explication).

Ce qui est important c’est qu’il s’agit dans les trois cas d’un degré distinct de la réalité de l’objet.


Tous trois désignent, par leur association, une quatrième chaise, idéale et invisible qui serait l’idée de chaise, le concept de chaise.

Ce n’est donc pas, la chaise, la photo ou la définition en tant que tel qui importe, mais comment tout cela joue ensemble.

En quoi l’objet concret n’est qu’une occurrence d’un concept, tout comme un objet d’art n’est qu’une occurrence du concept d’art. Ainsi pour Joseph Kosuth : « L’idée de l’art et l’art sont la même chose ».

C’est également une pièce qui ne dépend pas de sa matérialisation puisqu’elle se décline avec un manteau, une lampe, un marteau... 
Quel que soit l’objet c’est l’idée qui persiste.

La première œuvre importante de Joseph Kosuth, One and Three Chairs (1965), illustre parfaitement cette démarche. Cette œuvre est typique de la première manière de Joseph Kosuth, période qui va de 1965 à 1975 et pendant laquelle il s'est consacré aux prémices de son travail. C’est avec la série des « Proto-Investigations », reposant sur ce principe de triptyque, et dont One and Three Chairs est une œuvre emblématique, que Joseph Kosuth apparaît sur la scène artistique.


 One and three lamps, 1965

L’ART CONCEPTUEL :
L’art conceptuel n’est pas un mouvement structuré. Il concerne des artistes qui ont pour première exigence d'analyser ce qui permet à l’art d’être art. D’une part, avec un artiste comme Sol LeWitt, suivi de Dan Graham, l’art conceptuel est fondé sur l’affirmation de la primauté de l’idée sur la réalisation. D’autre part, avec Joseph Kosuth ou le groupe Art & Language, il s’agit de limiter le travail de l’artiste à la production de définitions de l’art, de répondre à la question "Qu’est-ce que l’art ?" par les moyens de la logique.